Permis de conduirePermis de conduire - LégislatifInfractions avec un véhicule professionnel : responsabilités, démarches et sanctions

17 septembre 2025

En France, des centaines de milliers de véhicules sont utilisés quotidiennement par les entreprises : livraisons, déplacements commerciaux, transports de personnes ou de marchandises. Lorsqu’une infraction est commise avec un véhicule de société, la question de la responsabilité peut rapidement devenir complexe, tant pour l’employeur que pour le salarié.

Cette complexité s’est considérablement accrue depuis 2017 avec l’entrée en vigueur de l’obligation de désignation du conducteur fautif. Cette mesure a transformé la gestion des infractions en entreprise : selon un communiqué de la Sécurité routière, en 2016, seulement 26% des entreprises désignaient spontanément leurs conducteurs, ce taux a bondi à 78,2% dès la première année d’application de la loi. En 2017, plus de 3,2 millions d’avis de contravention ont ainsi été adressés aux entreprises, avec 2,59 millions de désignations effectuées.

Dans ce guide pratique, Maître Minier, avocat en droit routier, a pour objectif d’éclairer les employeurs, les conducteurs salariés, les gestionnaires de flotte, les assistants administratifs et les experts-comptables sur les règles applicables, les risques encourus et les bons réflexes à adopter en matière de contraventions routières liées à l’usage professionnel d’un véhicule.

Véhicule d'entreprise flashé par radar automatique - illustration de l'obligation de désignation du conducteur en droit routier

Synthèse pratique : qui paie quoi ?

Situation Qui paie l'amende ? Remboursement par l'employeur ? À retenir
Stationnement L’entreprise * ❌ Non * Sauf si désignation du conducteur
Infraction avec désignation Le salarié Procédure normale
Désignation erronée L'entreprise ❌ Non Double pénalité
Prise en charge volontaire L'entreprise ❌ Non Charges sociales dues

⚠️ L’employeur ne peut jamais demander le remboursement d’amendes au salarié, sauf faute lourde. La prise en charge génère des charges sociales et n’est jamais déductible fiscalement.

Qui est responsable en cas d'infraction avec un véhicule professionnel ?

Lorsqu’une infraction est relevée avec un véhicule immatriculé au nom d’une entreprise, c’est en premier lieu la personne morale (l’entreprise) qui est destinataire de l’avis de contravention, en tant que titulaire du certificat d’immatriculation. Cette règle concerne tous les types de véhicules utilisés dans un cadre professionnel : véhicules de livraison, utilitaires, voitures de fonction, flottes d’entreprise, etc.

Cependant, selon la nature de l’infraction, la loi impose que l’entreprise désigne le conducteur fautif. À défaut, elle s’expose à une amende spécifique pour non-désignation, qui peut avoir un impact financier significatif, notamment si les infractions sont fréquentes ou mal gérées.

Les infractions de stationnement (forfait post-stationnement, stationnement gênant, etc.) ne donnent lieu ni à retrait de points, ni à obligation de désignation du conducteur par la personne morale.

L’obligation de désignation : le cadre légal

Depuis le 1er janvier 2017, l’article L121-6 du Code de la route impose à toute personne morale propriétaire d’un véhicule ayant fait l’objet d’une infraction constatée par un dispositif automatisé (radar fixe, radar mobile, caméra de vidéo-verbalisation) de désigner le conducteur dans un délai de 45 jours.

« Lorsqu’une infraction constatée selon les modalités prévues à l’article L.130-9 a été commise avec un véhicule dont le certificat d’immatriculation est établi au nom d’une personne morale, le représentant légal de cette personne morale est tenu d’indiquer l’identité et l’adresse de la personne physique qui conduisait ce véhicule… »

 

Cette obligation concerne principalement les infractions suivantes :

  • excès de vitesse constaté par radar automatique,
  • non-respect des feux tricolores,
  • usage du téléphone tenu en main,
  • non-port de la ceinture de sécurité,
  • franchissement de ligne continue,
  • circulation sur bande d’arrêt d’urgence,
  • non-respect des distances de sécurité,
  • dépassement interdit ou non-respect des règles de priorité,
  • et toute autre infraction relevée sans interception du conducteur.

Les entreprises doivent également être vigilantes concernant les nouvelles réglementations sur les systèmes d’aide à la conduite qui peuvent générer des infractions spécifiques, ou encore les règles de circulation inter-files pour les deux-roues utilisés en milieu professionnel.

Délai légal : 45 jours à compter de la date de l’avis de contravention.

Modalités de désignation : la déclaration doit être effectuée soit via le formulaire joint à l’avis, soit directement en ligne sur le site officiel de l’ANTAI.

En cas de déclaration hors délai ou incomplète, l’entreprise reste responsable et s’expose à une amende supplémentaire.

Sanctions en cas de non-désignation ou de désignation erronée

Si le représentant légal ne désigne pas le conducteur dans les délais prévus, ou le désigne de façon incorrecte ou incomplète, l’entreprise encourt une amende pour non-désignation du conducteur. Cette infraction constitue une contravention de 4ème classe (article L121-6 du Code de la route), dont le montant est quintuplé pour les personnes morales en application de l’article 530-3 du Code de procédure pénale. Cette amende est totalement indépendante de celle infligée pour l’infraction initiale.

  • Amende forfaitaire : 675 €
  • Amende minorée : 450 €
  • Amende majorée : 1 875 €

Elle s’ajoute systématiquement à l’amende d’origine et peut donc représenter un coût important pour l’entreprise, notamment en cas de gestion défaillante des contraventions.

Cette sanction est exclusivement à la charge de la personne morale : seule l’entreprise est visée, sans possibilité de retrait de points, puisque seuls les conducteurs physiques peuvent voir leur solde de points diminuer.

En cas de désignation mensongère (désignation d’une personne fictive, ou fausse déclaration intentionnelle), l’entreprise ou son représentant légal s’expose à des poursuites pénales :

Ces sanctions sont particulièrement lourdes si la désignation vise à protéger un salarié en infraction grave (alcool, stupéfiants, grand excès de vitesse).

Qui perd les points ? L’entreprise ou le salarié ?

  • Si le conducteur est identifié et désigné correctement dans les délais : il recevra un nouvel avis de contravention à son nom, devra s’acquitter du montant de l’amende, et perdra les points correspondant à l’infraction.
  • Si aucune désignation n’est faite dans les délais impartis : l’entreprise paiera l’amende pour non-désignation, mais aucun point ne sera retiré, car elle est une personne morale.
  • Si le conducteur est mal désigné (erreur sur l’orthographe, date de naissance incorrecte, permis non valide), l’administration peut rejeter la désignation, et considérer que l’entreprise n’a pas respecté ses obligations, avec les mêmes conséquences financières qu’une non-désignation.

En résumé : seule une désignation complète, précise et dans les délais permet de transférer la responsabilité au conducteur réel, avec toutes les conséquences que cela implique (amende + retrait de points).

Que faire en cas de contestation ou de situation complexe ?

Certaines situations peuvent rendre la désignation impossible ou contestable :

  • plusieurs salariés utilisent le même véhicule sans traçabilité (véhicule de service),
  • salarié ayant quitté l’entreprise ou en arrêt maladie au moment de l’infraction,
  • véhicule déclaré volé ou plaques usurpées,
  • véhicule confié à un tiers (prestataire, intérimaire, client, etc.) sans trace écrite,
  • absence d’information fiable sur l’auteur réel.

Dans ces cas, il est possible d’adresser à l’ANTAI un courrier explicatif avec justificatifs prouvant que l’entreprise n’était pas en mesure de désigner le conducteur avec certitude. Cela ne garantit pas l’annulation de l’amende, mais permet au moins de faire valoir sa bonne foi et d’ouvrir la voie à un recours judiciaire si nécessaire.

Un avocat en droit routier peut utilement intervenir pour :

  • analyser la régularité des procédures engagées,
  • rédiger une contestation en bonne et due forme,
  • accompagner l’entreprise devant les juridictions compétentes (tribunal de police pour les contraventions, tribunal judiciaire pour certaines contestations plus complexes),
  • défendre également le salarié en cas de litige ou de conséquences disciplinaires.

Quelles conséquences pour le salarié ?

Un salarié désigné comme auteur d’une infraction :

📌 En cas de perte de permis, le salarié peut être considéré comme inapte à son poste, ce qui peut conduire à une mesure de suspension ou de licenciement pour motif réel et sérieux si la conduite est une composante essentielle de son emploi.

Les conventions collectives ou contrats de travail peuvent prévoir des clauses spécifiques (notamment pour les commerciaux, chauffeurs-livreurs ou techniciens itinérants) concernant la gestion des infractions, le remboursement des amendes ou la suspension du contrat en cas d’inaptitude temporaire.

Bonnes pratiques pour les entreprises

Pour prévenir les sanctions et assurer une gestion rigoureuse des véhicules professionnels, plusieurs bonnes pratiques s’imposent :

  • tenir un registre des utilisateurs de chaque véhicule (planning, fiches de prêt, logiciel de suivi),
  • utiliser l’espace gestionnaire ANTAI pour les flottes > 10 véhicules,
  • intégrer une clause de responsabilité en cas d’infraction dans les contrats de travail ou les règlements intérieurs,
  • sensibiliser régulièrement les salariés à la conduite responsable et aux conséquences des infractions,
  • désigner un référent interne pour le traitement des contraventions (RH, gestionnaire de flotte, direction),
  • anticiper les recours et contentieux en souscrivant une assurance de protection juridique professionnelle.

Ces bonnes pratiques opérationnelles doivent s’accompagner d’une gestion comptable et sociale rigoureuse. Les erreurs de traitement des amendes peuvent coûter cher à l’entreprise.

Aspects fiscaux et sociaux

Pour les experts comptables et gestionnaires de paie qui accompagnent les entreprises dans la gestion de leurs flottes, voici les points importants à maitriser pour éviter les erreurs coûteuses :

  • Évitez de faire rembourser une amende au salarié, même si une clause contractuelle le prévoit : c’est interdit sauf faute lourde (Cass. soc., 17 avr. 2013, n° 11-27.550).
  • Ne remboursez pas une amende à la place d’un salarié sans l’intégrer en paie : cela constitue un avantage en nature soumis à cotisations sociales (Cass. civ. 2e, 9 mars 2017).
  • Rappelez que les amendes ne sont jamais déductibles fiscalement (CGI, art. 39, 2) – leur paiement représente un coût net pour l’entreprise.
  • Encadrez toute politique interne de prise en charge d’amendes (commerciaux, techniciens, livreurs…) par écrit, en accord avec la législation sociale et fiscale.

Tableau comparatif des cas courants et obligations juridiques

Type d'infraction Qui paie l'amende ? L'employeur peut-il demander un remboursement au salarié ? Traitement fiscal et social
Stationnement / sans désignation L’entreprise ❌ Non (sauf faute lourde) ❌ Non déductible – CGI art. 39, 2
⚖️ Possibilité de désigner – C.route art.L121-2
❌ Interdiction remboursement – Cass. soc., 17 avr. 2013, n° 11-27.550
Infraction avec désignation correcte Le salarié Non applicable
Désignation manquée ou erronée L'entreprise ❌ Non (responsabilité propre) ❌ Non déductible – CGI art. 39, 2
Amende remboursée volontairement L'entreprise ❌ Non (sauf faute lourde) ✅ Avantage en nature soumis à cotisations – Cass. civ. 2e, 9 mars 2017, n° 15-27.538
❌ Non déductible – CGI art. 39, 2

La gestion des infractions routières en entreprise ne se limite pas à payer une amende : elle engage la responsabilité de la structure, impose des obligations précises et peut avoir de lourdes conséquences pour les conducteurs comme pour les employeurs. La rigueur administrative, la prévention interne et le bon accompagnement juridique sont les clés d’une stratégie efficace pour éviter les erreurs coûteuses, les litiges et les pertes de temps.

Vous êtes dirigeant, salarié ou gestionnaire de flotte et avez reçu une contravention ?

Contactez le cabinet de Maître Antoine Minier, avocat en droit routier à Carpentras et Avignon, pour vous accompagner dans vos démarches : contester une amende, défendre un salarié, ou structurer une politique interne de gestion des infractions.

F.A.Q. Infractions avec un véhicule professionnel

Plusieurs salariés utilisent le même véhicule de service, comment identifier le conducteur au moment de l'infraction ?

Mettez en place un carnet de bord obligatoire avec signature, heure de départ/retour et kilométrage. Alternative : application mobile avec géolocalisation ou badges personnels. Sans traçabilité, vous devrez assumer l’amende de non-désignation (675 €).

Un salarié a quitté l'entreprise, dois-je quand même le désigner ?

Oui, absolument. L’obligation reste valide même si la personne n’est plus employée. Utilisez ses dernières coordonnées connues. L’administration transférera l’amende à son domicile.

Le paiement de l’amende dispense-t-il de la désignation ?

Non. Le paiement de l’amende initiale ne remplace pas l’obligation de désigner le conducteur. Ce sont deux obligations distinctes, chacune avec sa propre sanction.

Puis-je refuser de payer l'amende à la place de mon salarié ?

L’amende d’origine incombe au conducteur désigné, pas à l’entreprise. Cependant, certains employeurs choisissent de rembourser par politique interne. Attention : cela peut créer un précédent et déresponsabiliser les conducteurs.

Mon salarié risque de perdre son permis, puis-je le protéger en ne le désignant pas ?

Non, c’est illégal. Vous vous exposez à l’amende de non-désignation (675 €) et lui évitez temporairement le retrait de points. Mais en cas de contrôle ultérieur ou d’accident, les conséquences seront bien plus graves. Mieux vaut l’orienter vers un avocat spécialisé pour une défense adaptée.

J'ai reçu l'avis de contravention après le délai de 45 jours, que faire ?

Le délai court à partir de la date d’envoi mentionnée sur l’avis, pas de votre réception. Si vous l’avez reçu tardivement (déménagement, courrier perdu), contestez en joignant les justificatifs de votre nouvelle adresse.

L'amende de 675 € est-elle négociable ?

Non, c’est un montant forfaitaire fixé par la loi. Seule une contestation motivée peut aboutir à son annulation (vice de procédure, cas de force majeure, impossibilité matérielle de désigner).