Refus d’obtempérer : définition, sanctions et procédures en 2025

4 décembre 2025

Le refus d’obtempérer constitue l’un des délits routiers les plus lourdement sanctionné du Code de la route. D’après le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), les forces de sécurité ont constaté en moyenne 25 700 délits de refus d’obtempérer par an entre 2016 et 2023. En 2024, 24 900 faits ont encore été enregistrés, dont environ 5 300 avec circonstances aggravantes, soit 21 % de l’ensemble. La part des cas aggravés est passée de 16 % en 2016 à 21 % en 2024, avec une mise en danger d’autres usagers dans la grande majorité des situations.

Dans ce contexte et au regard du renforcement récent du dispositif répressif, la compréhension précise du régime juridique applicable et ses implications pénales apparaît indispensable.

Maître Antoine Minier, avocat en droit pénal routier à Carpentras et Avignon, vous explique ce délit, ses sanctions et les moyens de défense possibles.

Refus d’obtempérer – contrôle routier de nuit avec un policier ordonnant l’arrêt d’un véhicule

Qu'est-ce que le refus d'obtempérer ?

Décryptons ensemble les contours précis de cette infraction.

Définition légale

Le refus d’obtempérer est défini par l’article L. 233-1 du Code de la route comme le fait de ne pas s’arrêter immédiatement à la sommation des agents de la force publique. Cette infraction se caractérise par le refus volontaire et intentionnel d’obéir aux injonctions d’arrêt des forces de l’ordre lors d’un contrôle routier.

L’utilisation du verbe « omettre » dans le texte peut prêter à confusion, laissant croire à un simple oubli. En réalité, la jurisprudence exige la preuve d’un comportement délibéré, conscient de désobéir à un ordre légitime.

Les éléments constitutifs du délit

Pour qu’il y ait refus d’obtempérer, la juridiction doit constater la réunion de plusieurs éléments essentiels.

– L’élément matériel

La sommation doit être claire et non équivoque. Elle peut prendre la forme de :

  • signaux lumineux (gyrophare),
  • signaux sonores (sirène, deux-tons, coups de sifflet),
  • gestes réglementaires d’un agent,
  • projecteur braqué sur le véhicule.

L’agent doit être parfaitement identifiable : uniforme, brassard, véhicule sérigraphié. 

– L’élément intentionnel

Le conducteur doit avoir eu connaissance de la sommation et choisi de la refuser.

Exemples de faisceau d’indices qui permettra au juge d’établir l’élément intentionnel :

  • accélération soudaine,
  • changement brusque de direction,
  • poursuite de la route à vive allure.

Distinction avec le délit de fuite

Ces deux infractions sont parfois confondues, mais elles reposent sur des situations bien différentes :

  • Le délit de fuite (art. 434-10 du Code pénal) sanctionne le conducteur qui, après avoir causé un accident, quitte les lieux pour échapper à ses responsabilités civiles et pénales. L’existence d’un accident est donc indispensable.
  • Le refus d’obtempérer (art. L.233-1 du Code de la route) intervient lors d’un contrôle routier, même en l’absence d’accident. Il réprime le fait de ne pas obéir à une sommation claire des forces de l’ordre.

Les deux délits peuvent se cumuler : un conducteur impliqué dans un accident peut refuser ensuite de s’arrêter malgré l’ordre des agents. Dans les cas les plus graves, si un décès survient, les faits peuvent relever du délit d’homicide routier introduit par la loi du 9 juillet 2025.

Cadre juridique spécifique et sanctions

Ces dernières années, le législateur a considérablement renforcé la répression du délit de refus d’obtempérer. Longtemps limité à des peines relativement modestes, ce délit fait désormais l’objet d’un traitement pénal bien plus sévère.

Une évolution progressive de la loi

Antérieurement à 2017, le refus d’obtempérer n’était puni que de trois mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende. Ce régime a été jugé insuffisant au regard de la gravité croissante des faits constatés.

La loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a marqué un tournant : les peines maximales ont été doublées, portant la sanction du refus simple à deux ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

En 2023, la LOPMI (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur) avait tenté d’aller plus loin, avec une peine portée à trois ans et 30 000 €. Le Conseil constitutionnel a cependant censuré cette disposition.

En 2025, le durcissement de l’arsenal répressif s’est poursuivi avec la création du délit d’homicide routier (loi du 9 juillet 2025), qui vient aggraver la répression des cas les plus dangereux, notamment lorsque le refus d’obtempérer a entraîné le décès de la victime. Cette réforme s’inscrit dans une logique globale : renforcer la sécurité routière et protéger les forces de l’ordre.

Le régime spécial du cumul des peines principales

L’article L. 233-1 du Code de la route fixe le régime applicable au refus d’obtempérer simple. Le conducteur encourt :

  • 2 ans d’emprisonnement,
  • 15 000 € d’amende,
  • ainsi qu‘un retrait automatique de 6 points sur le permis de conduire.

Cette infraction présente toutefois une particularité notable : le législateur a instauré un régime dérogatoire de cumul des peines, qui s’écarte du principe général posé à l’article 132-3 du Code pénal. En effet, alors que ce principe limite normalement la possibilité de prononcer plusieurs peines de même nature en cas de concours d’infractions, l’article L. 233-1 prévoit expressément que les peines prononcées pour le refus d’obtempérer se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles encourues pour les autres infractions commises à l’occasion de la conduite du véhicule.

Exemple : un conducteur en état d’ivresse ou sous stupéfiants qui refuse d’obtempérer pourra être condamné distinctement pour chacune de ces infractions, chaque peine s’ajoutant aux autres. Cette dérogation traduit la volonté du législateur d’isoler et de sanctionner de manière autonome le comportement de fuite, considéré comme générateur d’un risque spécifique pour les forces de l’ordre et les usagers.

En présence de circonstances aggravantes, prévues à l’article L. 233-1-1, les peines sont sont substantiellement renforcées :

  • 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende lorsque la fuite expose autrui à un risque de mort ou de blessures graves,
  • jusqu’à 7 ans de prison et 100 000 € d’amende lorsque le comportement du conducteur met directement en danger les forces de l’ordre.

Les peines complémentaires

Outre les peines principales, le juge peut prononcer plusieurs sanctions complémentaires, prévues par le Code de la route :

  • suspension du permis de conduire pendant trois ans, sans possibilité d’aménagement pour raisons professionnelles ;
  • annulation du permis avec interdiction de le repasser pendant trois ans ;
  • confiscation du véhicule ;
  • stage obligatoire de sensibilisation à la sécurité routière, à la charge du condamné ;
  • travail d’intérêt général ou jour-amende.

L’ensemble de ces mesures illustre la volonté des pouvoirs publics de traiter le refus d’obtempérer comme un délit grave, cumulant sanctions pénales, perte de points et restrictions administratives sur le droit de conduire.

Procédure judiciaire

Être interpellé pour un refus d’obtempérer entraîne une procédure pénale spécifique, encadrée par le Code de procédure pénale. Connaître ses étapes permet de mieux anticiper sa défense.

L’interpellation et les premières mesures

Une fois intercepté, le conducteur fait l’objet d’une rétention immédiate du permis pour 120 heures. Le préfet peut ensuite décider d’une suspension administrative dans l’attente du jugement.

Un placement en garde à vue pour une durée de 24 heures fréquent. Durant cette mesure, les forces de l’ordre pourraient procéder à des dépistages complémentaires (alcool, stupéfiants).

⚠️ Important : si vous êtes placé en garde à vue en état d’ivresse, la notification de vos droits peut être différée jusqu’à votre dégrisement. La jurisprudence l’a récemment confirmé. Pour en savoir plus, consultez notre article sur la garde à vue et l’état alcoolique.

De même, un dépistage de drogues ou d’alcool peut être réalisé. Les résultats constituent alors des preuves distinctes, pouvant entraîner des poursuites pour conduite sous stupéfiants.

Le jugement devant le tribunal correctionnel

Le refus d’obtempérer relève de la compétence du tribunal correctionnel. Selon la gravité des faits et le casier du conducteur, plusieurs issues sont possibles :

  • la comparution immédiate, qui permettra un jugement rapide (attention, les mandats de dépôt y sont monnaie courante),
  • la convocation par officier de police judiciaire, qui laissera plus de temps à la défense pour préparer le dossier,
  • la CRPC (plaider-coupable), où une peine négociée est proposée au prévenu si ce dernier reconnaît les faits.

Dans tous les cas, l’assistance d’un avocat spécialisé est vivement conseillée : il vérifie la régularité de la procédure, soulève d’éventuelles exceptions de nullités et prépare une stratégie adaptée.

Les moyens de défense envisageables

Plusieurs moyens de défense peuvent être invoqués :

  • absence d’éléments matériels (sommation ambiguë, absence d’insignes des agents, PV incomplet),
  • absence d’intention volontaire (signaux non perçus, impossibilité matérielle de s’arrêter immédiatement),
  • circonstances exceptionnelles (urgence médicale, agression),
  • ou encore erreurs d’identification lors d’une poursuite impliquant plusieurs véhicules.

Un avocat expert en droit routier saura mettre en évidence ces arguments et adapter la défense à la situation.

Jurisprudence et situations concrètes

Les décisions de justice révèlent une grande diversité de situations. Voici plusieurs exemples éclairants, tirés tant de la jurisprudence de la Cour de cassation que de dossiers traités devant les tribunaux correctionnels.

Cas de relaxe

Un automobiliste s’est arrêté 300 mètres après une sommation, sur un parking jugé plus sûr.

Le tribunal a relaxé : l’intention de se soustraire au contrôle n’était pas prouvée.

Exigences procédurales strictes

Crim. 11 mai 1989, pourvoi n° 88-84.921

La Cour de cassation a validé la condamnation d’un conducteur qui avait ignoré la sommation d’un gendarme.

Les juges ont considéré que l’ordre était clairement caractérisé, car l’agent, placé au milieu de la chaussée, avait utilisé un projecteur et un sifflet pour exiger l’arrêt.

Crim. 3 mars 2004, pourvoi n° 03-85.209

À l’inverse, la Cour a confirmé la relaxe d’un automobiliste, car le procès-verbal ne mentionnait aucune injonction claire d’arrêt.

En l’absence de preuve d’une sommation non équivoque, le refus d’obtempérer n’était pas constitué.

Le refus d’obtempérer est loin d’être une simple banale : il s’agit d’un délit grave aux conséquences multiples — prison, lourdes amendes, perte de points, suspension ou annulation du permis, voire confiscation du véhicule. La jurisprudence montre que chaque détail compte : un vice de procédure, une sommation mal caractérisée ou une circonstance particulière peuvent changer l’issue du dossier.

Dans un tel contexte, se défendre seul est risqué. L’accompagnement d’un avocat expert en droit routier est la meilleure garantie pour vérifier la régularité de la procédure, contester les charges si cela est possible et limiter l’impact des sanctions.

Si vous êtes poursuivi pour refus d’obtempérer, n’attendez pas : contactez Maître Antoine Minier, avocat en droit pénal routier à Carpentras et Avignon. Son expérience vous permettra d’aborder sereinement la procédure et de défendre efficacement vos droits.

F.A.Q. Refus d'obtempérer

Le refus d’obtempérer entraîne-t-il automatiquement une perte de points ?

Oui. L’article L.233-1 du Code de la route prévoit un retrait de 6 points une fois la condamnation devenue définitive. Comme pour tous les délits routiers, le retrait ne s’applique qu’après épuisement des voies de recours.

Quelle est la différence exacte avec le délit de fuite ?

Le délit de fuite (art. 434-10 du Code pénal) suppose un accident préalable et la volonté d’échapper à ses responsabilités. Le refus d’obtempérer intervient lors d’un contrôle routier, même sans accident. Les deux peuvent se cumuler : après un accident, un conducteur qui refuse ensuite de s’arrêter commet à la fois un délit de fuite et un refus d’obtempérer.

La confiscation du véhicule est-elle systématique ?

Non. La confiscation est une peine complémentaire laissée à l’appréciation du juge. En cas de refus d’obtempérer aggravé par une mise en danger de la vie d’autrui ou de récidive, la confiscation devient obligatoire (art. L.233-1-1 et suivants C. route), sauf décision spécialement motivée. Elle se distingue de l’immobilisation administrative immédiate, qui peut être décidée sur le moment par les forces de l’ordre.

Peut-on faire l’objet d’une comparution immédiate ?

Oui. Le refus d’obtempérer étant un délit puni d’une peine d’emprisonnement, le parquet peut recourir à la comparution immédiate si la gravité des faits le justifie. Sinon, il peut saisir le tribunal par convocation ultérieure ou recourir à une CRPC (plaider-coupable). Dans tous les cas, l’assistance d’un avocat est fortement recommandée.

Peut-on contester un refus d’obtempérer ?

Oui. Plusieurs moyens de défense existent : absence de sommation claire, agents non identifiables, impossibilité matérielle de s’arrêter, ou défaut d’intention délibérée. L’avocat en droit routier analyse le dossier et soulève les irrégularités pour tenter d’obtenir une relaxe ou une réduction de peine.

Que risque-t-on en cas de récidive ?

En cas de récidive légale, les peines sont doublées (art. 132-10 C. pénal) :

  • 4 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende pour un refus simple,
  • 10 ans de prison et 150 000 € d’amende pour un refus aggravé.

La confiscation du véhicule devient alors obligatoire, sauf décision contraire spécialement motivée.

Antoine Minier

Avocat au barreau de Carpentras, Maître Antoine Minier défend ses clients en droit routier (permis, alcool, stupéfiants, contraventions), en droit pénal et en droit des victimes.