En France, les violences conjugales constituent un fléau social majeur. En 2023, les services de sécurité ont enregistré 271 000 victimes de violences commises par leur partenaire ou leur ex-partenaire, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2022. L’année 2024 confirme l’ampleur du phénomène : les forces de l’ordre ont recensé 450 100 cas de violences physiques. Parmi ces violences, une proportion importante (54% pour les victimes majeures et 55% pour les mineures) s’inscrit dans un contexte familial, incluant les violences conjugales.
L’année 2025 marque une évolution législative importante avec l’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 janvier 2025 de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, incluant l’introduction de la notion de « contrôle coercitif » dans le Code pénal. Cette évolution législative majeure tente de faire reconnaître la violence conjugale comme un système de domination global, dépassant les seuls actes physiques.
Ce guide juridique, par Maître Antoine Minier, avocat en droit pénal à Carpentras et Avignon, vous informe sur la définition légale des violences conjugales, les infractions concernées, vos droits en tant que victime et l’accompagnement juridique spécialisé disponible.

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Qu'est-ce que les violences conjugales ?
Définition en droit pénal français
Aucun texte de droit français ne propose, à ce jour, une définition légale exhaustive et unifiée des violences conjugales. Le concept de violence conjugale repose sur le principe des circonstances aggravantes établi par l’article 132-80 du Code pénal.
Approche du droit pénal français : Le Code pénal ne définit donc pas précisément les « violences conjugales », mais les traite en aggravant les peines lorsqu’elles sont commises dans un cadre conjugal.
Le Code pénal français reconnaît la conjugalité au sens large dans l’article 132-80, incluant :
- le conjoint marié ;
- le concubin ;
- le partenaire pacsé ;
- l’ex-conjoint, ex-concubin ou ex-partenaire ;
- même en l’absence de cohabitation.
Différence avec les conflits conjugaux
On distingue la violence du conflit conjugal par la relation inégalitaire, asymétrique qui s’exerce entre les partenaires dans le cadre de la violence. L’enjeu de la violence est d’exercer son pouvoir de domination sur le partenaire.
Conflit conjugal :
- Opposition temporaire entre deux partenaires égaux ;
- Réciprocité possible dans les échanges ;
- Recherche de solution commune.
Violence conjugale :
- Rapport de domination permanent ;
- Une personne subit, l’autre contrôle ;
- Système organisé d’emprise et de contrôle.
Le concept de contrôle coercitif
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 28 janvier 2025 une définition du contrôle coercitif comme étant des
« propos ou comportements répétés ou multiples, portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la victime, ou instaurant chez elle un état de peur ou de contrainte dû à la crainte d’actes exercés directement ou indirectement sur elle-même ou sur autrui, que ces actes soient physiques, psychologiques, économiques, judiciaires, sociaux, administratifs, numériques, ou de toute autre nature ».
Cette notion permet de mieux appréhender juridiquement la violence conjugale comme un système de domination global, complétant l’arsenal juridique existant.
⚖️ Important : Cette disposition législative est en cours de navette parlementaire et n’est pas encore promulguée. Le texte a été modifié par le Sénat le 3 avril 2025 et est retourné à l’Assemblée nationale pour deuxième lecture, sans calendrier d’adoption définitif à ce jour.
Les infractions pénales dans le contexte conjugal
Le droit pénal français ne catégorise pas officiellement des « types de violences conjugales », mais définit des infractions qui peuvent être aggravées lorsqu’elles sont commises dans un cadre conjugal.
Violences physiques
Les violences physiques (Articles 222-7 à 222-16 du Code pénal) sont caractérisées en fonction des conséquences qu’elles génèreront sur la victime.
Classification des violences :
- Violences ayant entraîné la mort (art. 222-7) : 15 ans de réclusion criminelle.
- Violences avec mutilation ou infirmité permanente (art. 222-9) : 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende.
- Violences avec ITT > 8 jours (art. 222-11) : 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
- Violences avec ITT ≤ 8 jours ou sans ITT (art. 222-13) : Infraction contraventionnelle ou délictuelle selon circonstances aggravantes.
Violences psychologiques et harcèlement conjugal
Base légale : L’article 222-14-3 du Code pénal dispose que « les violences prévues par les dispositions de la présente section sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ».
Harcèlement conjugal : L’article 222-33-2-1 du Code pénal punit le harcèlement entre conjoints de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
Violences sexuelles
Les infractions sexuelles sont précisément définies par les articles 222-23 et suivants du Code pénal.
Important : Le viol conjugal est reconnu par la jurisprudence française depuis 1990 (arrêt de la Cour de cassation du 5 septembre 1990), et définitivement inscrit dans l’article 222-22 du Code pénal.
Peines encourues :
- Viol conjugal : 15 à 20 ans de réclusion criminelle.
- Agressions sexuelles : 5 à 7 ans d’emprisonnement selon les circonstances.
Menaces et intimidation
L’article 222-18-3 du Code pénal réprime spécifiquement les menaces dans le contexte conjugal :
- Menaces de mort directes : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.
- Menaces de mort avec ordre ou condition : 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende.
Violences économiques et patrimoniales
⚠️ Les « violences économiques » ne constituent pas une catégorie juridique définie par le Code pénal français. Il s’agit d’un concept sociologique et pratique.
La violence économique s’ajoute à d’autres formes de violences conjugales (physiques, verbales, sexuelles, psychologiques). Elle peut aussi survenir seule, ce qui la rend difficile à identifier.
Formes principales :
- Contrôle des ressources : confiscation des revenus, interdiction de travailler ;
- Privation financière : refus de donner de l’argent pour les besoins essentiels ;
- Destruction de biens : détérioration des affaires personnelles ;
- Sabotage professionnel : empêcher la victime de se rendre au travail ;
- Dette forcée : engagement financier au nom de la victime.
Cyberviolences conjugales
⚠️ Les « cyberviolences conjugales » ne constituent pas une catégorie juridique spécifique. Ces comportements peuvent relever d’infractions existantes (harcèlement, atteinte à la vie privée, etc.) aggravées par la circonstance conjugale.
D’après l’étude « Cyberviolences conjugales » du Centre Hubertine Auclert (2018), recherche-action menée en 2017-2018 auprès de 302 femmes victimes : 9 femmes sur 10 victimes de violences au sein du couple déclarent avoir également subi des (cyber)violences de la part de leur partenaire ou de leur ex-partenaire.
Six catégories identifiées :
- Cybercontrôle : vérification constante des déplacements via GPS, réseaux sociaux ;
- Cyberharcèlement : avalanche de messages, appels incessants ;
- Cybersurveillance : logiciels espions, consultation des communications ;
- Cyberviolences économiques : contrôle des comptes en ligne ;
- Cyberviolences sexuelles : diffusion d’images intimes, revenge porn ;
- Cyberviolences à travers les enfants : surveillance via les objets connectés des enfants.
Violences administratives
⚠️ Les « violences administratives » ne constituent pas une catégorie juridique définie. Ces comportements peuvent constituer diverses infractions (vol de documents, séquestration, etc.).
La violence administrative peut prendre la forme d’une rétention des papiers d’identité et des documents administratifs, d’une menace de dénonciation pour les femmes en situation de précarité au regard du titre de séjour.
Exemples concrets :
- Confiscation des papiers d’identité ;
- Rétention des documents administratifs ;
- Menaces liées au statut d’immigration ;
- Chantage aux prestations sociales.
Mesures de protection juridique
L'ordonnance de protection
Qu’est-ce que c’est ? Une mesure civile d’urgence qui permet d’obtenir rapidement une protection contre un conjoint ou ex-conjoint violent.
Procédure :
- Tribunal compétent : Juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de votre domicile.
- Dépôt : Requête au greffe (avec ou sans avocat).
- Coût : Gratuit (dispense de droits de greffe).
- Délais : De quelques jours à quelques jours en fonction de l’imminence du danger et du tribunal saisi.
Mesures obtenues :
- Interdiction d’approcher.
- Attribution du logement.
- Fixation de la pension alimentaire.
- Organisation des droits de visite.
Le bracelet anti-rapprochement (BAR)
Cadre légal :
- Avant condamnation : Article 138-3 du Code de procédure pénale
- Après condamnation : Articles 132-45-1 et 132-45-1 du Code pénal
Qui décide :
- Le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention (avant condamnation).
- Le tribunal (après condamnation, dans le cadre d’un sursis probatoire).
Conditions : Infraction punie d’au moins 3 ans d’emprisonnement commise contre conjoint/concubin/partenaire PACS ou ex-conjoint.
Le téléphone grave danger (TGD)
Cadre légal : Article 41-3-1 du Code de procédure pénale
Qu’est-ce que c’est ? Il s’agit d’un téléphone portable détenu par la victime relié directement à un centre de téléassistance 24h/24 (les forces de l’ordre interviendront rapidement lorsque la victime se sentira en danger).
Attribution : Par le procureur de la République, le juge d’instruction, ou le juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une ordonnance de protection ou d’une procédure pénale.
Durée : 6 mois renouvelables selon l’évolution de la situation.
Porter plainte : procédure et droits
Où porter plainte en cas de violences conjugales ?
Le dépôt de plainte constitue une étape importante et plusieurs options s’offrent à vous pour cette démarche :
- Commissariat de police ou brigade de gendarmerie : vous pouvez vous rendre dans n’importe quel commissariat ou gendarmerie, sans condition de territoire géographique.
- Courrier au procureur de la République : saisine directe par écrit du parquet compétent de votre domicile.
- Plateforme de signalement en ligne : accessible via service-public.fr, disponible 24h/24 avec possibilité d’échange par tchat sécurisé.
Constitution du dossier
La solidité de votre dossier repose sur la qualité et la diversité des éléments de preuve rassemblés. Il est recommandé de conserver précieusement tous les documents utiles :
Éléments probants essentiels :
- Certificats médicaux détaillant les conséquences physiques et psychologiques des violences.
- Témoignages écrits de proches, voisins, collègues ou professionnels ayant constaté les faits.
- Messages, mails, enregistrements conservant la trace des menaces ou des aveux.
- Photographies documentant les blessures ou dégradations matérielles.
- Attestations diverses (employeur, médecin, assistante sociale) établissant le contexte.
Pour rappel, en droit pénal, la preuve est libre lorsqu’elle est fournie par une partie privée. Un enregistrement à l’insu du mis en cause pourra donc matérialiser les faits de violences.
Droits de la victime
En droit pénal français, les droits reconnus à la victime résultent de sa seule qualité de victime et ne dépendent pas de la nature de l’infraction poursuivie. Les violences conjugales n’ouvrent donc pas, en tant que telles, un régime procédural distinct.
Toute victime bénéficie ainsi, dans le cadre de la procédure pénale :
- du droit de déposer plainte et d’être assistée par un avocat ou par toute personne de son choix ;
- de la faculté de se constituer partie civile afin de solliciter la réparation du préjudice subi et de participer à la procédure ;
- du droit à une protection contre les pressions ou représailles, mise en œuvre par l’autorité judiciaire lorsque la situation l’exige.
Les violences au sein du couple justifient toutefois la mise en place de mesures spécifiques de protection, destinées à prévenir la réitération des faits.
Ces dispositifs viennent s’ajouter au droit commun, sans modifier les droits procéduraux attachés à la qualité de victime.
L'accompagnement juridique spécialisé
Le rôle de l'avocat pénaliste
Face à la complexité des procédures et à la vulnérabilité des victimes, l’intervention d’un avocat spécialisé en droit pénal s’avère indispensable. Cette expertise repose sur plusieurs piliers fondamentaux :
- Expertise technique : maîtrise approfondie du droit pénal et des évolutions législatives récentes, notamment la reconnaissance du contrôle coercitif en 2025.
- Stratégie procédurale adaptée à la spécificité de chaque situation et aux enjeux particuliers des violences conjugales.
- Accompagnement personnalisé qui prend en compte la dimension humaine tout au long d’une procédure souvent longue et éprouvante.
Constitution de partie civile
La constitution de partie civile permet à la victime d’exercer l’action civile devant la juridiction pénale.
Elle lui confère la qualité de partie à la procédure et lui ouvre, notamment, les droits suivants :
- intervenir au cours de la procédure pénale ;
- solliciter l’indemnisation du préjudice subi ;
- être informée de l’évolution du dossier.
Évaluation du préjudice
L’évaluation du préjudice constitue un exercice technique complexe qui nécessite une approche globale. Votre avocat analysera l’ensemble des dimensions du préjudice subi :
- Le préjudice physique et moral : conséquences directes des violences sur votre intégrité corporelle et psychologique ;
- Le préjudice économique : perte de revenus, frais médicaux, frais thérapeutiques et coûts induits par la situation ;
- Le préjudice d’agrément : altération durable de vos conditions d’existence et de votre qualité de vie ;
- Le préjudice familial : répercussions sur vos enfants et sur l’organisation familiale.
Protection contre les pressions
Tout au long de la procédure, l’avocat assure la protection des intérêts de la victime et veille à la préserver de toute pression extérieure.
À ce titre, son intervention implique notamment :
- la centralisation des échanges avec la partie adverse et ses conseils, excluant tout contact direct ;
- la prévention et le signalement de toute tentative d’intimidation ou de pression ;
- la gestion de l’ensemble des communications liées à la procédure (demande de copie de dossier auprès du tribunal notamment).
Accompagnement procédural
L’accompagnement s’adapte aux différentes procédures susceptibles d’être engagées simultanément.
Pour l’ordonnance de protection :
- Rédaction d’une requête solide et factuellement étayée.
- Constitution méticuleuse d’un dossier.
- Représentation ou assistance lors de l’audience devant le juge aux affaires familiales.
- Suivi attentif de l’exécution des mesures ordonnées.
Dans le cadre de la procédure pénale :
- Préparation approfondie aux auditions pour optimiser votre témoignage.
- Assistance bienveillante lors des confrontations souvent difficiles.
- Élaboration d’une stratégie cohérente de défense de vos intérêts civils.
- Accompagnement rassurant lors des audiences.
L'aide juridictionnelle
L’accès à cette aide publique permet de bénéficier d’une défense de qualité indépendamment de vos ressources financières.
Conditions d’accès :
- Ressources mensuelles inférieures aux plafonds légaux fixés annuellement.
- Justification d’une résidence habituelle et régulière en France.
- Action en justice qui ne doit pas être manifestement irrecevable ou abusive.
Avantages concrets :
- Prise en charge totale ou partielle des honoraires d’avocat selon vos revenus.
- Dispense d’avance des frais de procédure (expertise, huissier, etc.).
- Garantie d’une défense de même qualité qu’un dossier entièrement payant.
Les violences conjugales constituent une violation grave des droits qui nécessite une réponse juridique ferme. Le cadre juridique actuel, potentiellement complété par l’évolution législative en cours sur le contrôle coercitif, offre aux victimes des protections et des recours efficaces.
F.A.Q. Violences conjugales
Oui, absolument. Votre témoignage constitue une preuve. Il peut être complété par des certificats médicaux a posteriori, des témoignages de l’entourage, ou tout élément probant.
L’ordonnance de protection constitue une mesure d’urgence avec des délais qui peuvent toutefois varier en fonction de l’urgence et du tribunal saisi.
Démarche simplifiée : La requête peut être déposée avec ou sans avocat directement au greffe du tribunal judiciaire de votre domicile.
L’aide juridictionnelle permet d’obtenir une défense de qualité indépendamment de vos ressources financières.
Conditions d’éligibilité :
- Ressources inférieures aux plafonds légaux actualisés.
- Résidence habituelle en France.
- Action en justice qui ne doit pas être manifestement irrecevable ou abusive.
Avantages concrets :
- Prise en charge totale ou partielle des honoraires d’avocat.
- Dispense d’avance des frais de procédure.
- Attribution automatique pour les victimes de crimes graves contre les personnes (meurtre).
La violation d’une ordonnance de protection constitue une infraction pénale spécifique sanctionnée par la loi.
Actions immédiates :
- Contacter le 17 : intervention prioritaire des forces de l’ordre.
- Conserver les preuves : témoignages, constats, enregistrements, si possible.
- Informer votre avocat : pour engager les poursuites appropriées.
Conséquences juridiques :
- Infraction pénale : non-respect des obligations imposées par le juge.
- Aggravation possible : renforcement des mesures de protection existantes.
- Poursuites pénales : sanctions complémentaires selon la gravité des faits.
La violation d’une ordonnance de protection démontre la dangerosité de la situation et justifie un renforcement de votre protection juridique.

