Quitter les lieux d’un accident sans s’arrêter expose à des sanctions lourdes : trois ans d’emprisonnement, 75 000 € d’amende et un retrait de 6 points. En 2023, près de 175 000 délits de fuite sont constatés par les forces de l’ordre (source ONISR). Il figure parmi les délits routiers les plus fréquents, devant le défaut de permis de conduire.
Mais un arrêt récent de la Cour de cassation vient rappeler que le délit de fuite n’est pas toujours caractérisé. La décision du 1er octobre 2025 constitue un apport jurisprudentiel majeur, offrant aux praticiens un argument de défense supplémentaire.
Maître Antoine Minier, avocat en droit pénal routier à Carpentras et Avignon, vous présente ce délit, ses sanctions et les moyens de défense possibles à la lumière de cette jurisprudence récente.
- 1 Qu'est-ce que le délit de fuite ?
- 2 Distinction avec d'autres infractions
- 3 Quelles sont les sanctions encourues pour délit de fuite ?
- 4 Jurisprudence 2025 : un choc volontaire n'est pas un accident
- 5 Procédure judiciaire pour délit de fuite
- 6 Les moyens de défense envisageables
- 7 F.A.Q. Délit de fuite

Ce qu’il faut retenir
- Le délit de fuite suppose un accident, c’est-à-dire un événement fortuit et involontaire.
- Un choc volontaire n’est pas un accident : il relève des violences volontaires.
- Les deux qualifications — violences volontaires et délit de fuite — s’excluent mutuellement.
- L’arrêt du 1er octobre 2025 (Cass. crim., n° 24-86.411) constitue un moyen de défense exploitable lorsque ces qualifications sont cumulées à tort.
Qu'est-ce que le délit de fuite ?
Comprendre cette infraction suppose d’en analyser la définition légale et les éléments constitutifs.
Définition légale
Le délit de fuite est défini par l’article 434-10 du Code pénal comme :
« Le fait, pour tout conducteur d’un véhicule ou engin terrestre, fluvial ou maritime, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, de ne pas s’arrêter et de tenter ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut avoir encourue. »
Cette définition est reprise à l’article L. 231-1 du Code de la route, qui impose à tout conducteur impliqué dans un accident de s’arrêter immédiatement.
L’infraction peut être commise par le conducteur de tout type de véhicule : voiture, moto, vélo, trottinette électrique, mais aussi bateau ou engin fluvial.
Les éléments constitutifs du délit
Pour qu’il y ait délit de fuite, trois éléments doivent être réunis :
- Un accident de la circulation
L’accident peut avoir causé des dommages matériels (véhicules, clôtures, mobilier urbain) ou corporels (blessures, décès). La nature des dommages n’importe pas : même un simple accrochage suffit à caractériser l’accident.
Le terme « accident » suppose un événement fortuit et involontaire. Cette précision a son importance, comme l’a rappelé récemment la Cour de cassation (voir ci-dessous).
- La connaissance de l’accident
Le conducteur doit avoir eu conscience d’avoir causé ou occasionné l’accident. Cette connaissance est déduite des circonstances : bruit du choc, réaction des passagers, témoignages. Un conducteur qui n’a sincèrement pas perçu l’accident pourrait échapper à la qualification.
- L’intention d’échapper à sa responsabilité
Le conducteur doit avoir volontairement refusé de s’arrêter pour se soustraire à ses obligations. L’obligation de s’arrêter implique de permettre son identification et de faciliter les constatations.
La jurisprudence exige un arrêt « aussitôt » et « à l’endroit même où l’accident s’est produit » (Cass. crim., 19 mars 1956 ; Cass. crim., 12 juillet 1966).
Distinction avec d'autres infractions
Le délit de fuite est souvent confondu avec d’autres infractions proches. Il convient de les distinguer.
Délit de fuite et refus d'obtempérer
Ces deux infractions sont bien distinctes :
- Le délit de fuite suppose un accident préalable. Le conducteur quitte les lieux pour échapper à sa responsabilité civile ou pénale.
- Le refus d’obtempérer (article L. 233-1 du Code de la route) intervient lors d’un contrôle routier, même en l’absence d’accident. Il réprime le fait de ne pas s’arrêter malgré les sommations des forces de l’ordre.
Les deux qualifications peuvent se cumuler : un conducteur impliqué dans un accident qui refuse ensuite de s’arrêter malgré l’ordre des agents commet à la fois un délit de fuite et un refus d’obtempérer.
💡 Pour en savoir plus, consultez notre article sur le refus d’obtempérer.
Délit de fuite et non-assistance à personne en danger
La distinction repose sur la qualité de l’auteur :
- Pour le délit de fuite, le conducteur est impliqué dans l’accident. Il quitte les lieux pour échapper à sa responsabilité.
- Pour la non-assistance à personne en danger (article 223-6 du Code pénal), l’auteur est un simple témoin qui refuse de porter secours ou d’alerter les secours.
Le conducteur impliqué dans un accident corporel qui quitte les lieux sans s’arrêter s’expose à un cumul des poursuites.
Quelles sont les sanctions encourues pour délit de fuite ?
Le délit de fuite est lourdement sanctionné. Les peines varient selon les circonstances de l’infraction.
Peines principales
L’article 434-10 du Code pénal prévoit les peines judiciaires suivantes :
- 3 ans d’emprisonnement ;
- 75 000 euros d’amende.
Le délit de fuite entraîne également un retrait de 6 points sur le permis de conduire (article L231-3 du Code de la route). Cette sanction administrative intervient de plein droit une fois la condamnation devenue définitive.
Ces sanctions s’appliquent même si l’accident n’a causé que des dommages matériels mineurs.
Peines complémentaires
Les articles 434-45 du Code pénal et L231-2 du Code de la route prévoient plusieurs peines complémentaires :
- suspension du permis de conduire pour une durée maximale de 5 ans, sans possibilité d’aménagement pour raisons professionnelles ;
- annulation du permis avec interdiction de le repasser pendant une durée maximale de 3 ans ;
- confiscation du véhicule, si le condamné en est le propriétaire ou en a la libre disposition ;
- stage obligatoire de sensibilisation à la sécurité routière, aux frais du condamné ;
- interdiction de conduire certains véhicules, y compris ceux ne nécessitant pas de permis, pour une durée de 5 ans au plus ;
- travail d’intérêt général ou jours-amende.
Circonstances aggravantes
Le délit de fuite constitue lui-même une circonstance aggravante d’autres infractions. Lorsqu’il accompagne un homicide involontaire ou des blessures involontaires, les peines sont considérablement alourdies :
- blessures involontaires avec ITT de moins de 3 mois : 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende ;
- blessures involontaires avec ITT de plus de 3 mois : 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende ;
- homicide involontaire : 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
Depuis la loi du 9 juillet 2025 créant le délit d’homicide routier, le délit de fuite après un accident mortel fait l’objet d’un traitement pénal renforcé.
💡 Pour en savoir plus, consultez notre article sur le délit d’homicide routier.
Jurisprudence 2025 : un choc volontaire n'est pas un accident
Par un arrêt publié au Bulletin du 1er octobre 2025 (Cass. crim., n° 24-86.411), la Cour de cassation procède à un rappel d’évidence : le délit de fuite suppose un accident. Un choc volontaire n’en est pas un.
Les faits : quand la voiture devient une arme par destination
L’affaire est banale : un individu utilise délibérément son véhicule pour percuter une victime. Le tribunal correctionnel, puis la Cour d’appel de Paris, le déclarent coupable de violences volontaires aggravées — jusque-là, rien à redire — mais également de délit de fuite…
La double qualification semblait aller de soi pour les juges du fond : après avoir heurté sa victime, le prévenu avait pris la fuite. Classique, penseront certains. Juridiquement erroné, répond la Cour de cassation.
Le rappel salutaire de la Haute juridiction
L’article 434-10 du Code pénal est pourtant limpide. Il incrimine le fait pour tout conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, de ne pas s’arrêter. Un mot clé est mis en exergue : un accident.
Or, qu’entend-on juridiquement par accident ? La jurisprudence le définit depuis longtemps comme un événement fortuit, involontaire, imprévu. Une rupture non désirée dans le cours normal des choses.
Quand un conducteur choisit de foncer sur quelqu’un, quand le choc est voulu, nous ne sommes plus dans le registre de l’accidentel. On bascule vers l’intentionnel. Le véhicule n’est plus un moyen de transport impliqué dans un sinistre : il devient une arme par destination.
L'incompatibilité des qualifications
C’est précisément ce que censure la Cour de cassation. La collision étant volontaire, elle ne peut être considérée comme accidentelle. Sans accident, pas de délit de fuite possible.
La chambre criminelle casse donc l’arrêt de la Cour d’appel de Paris : elle relaxe le prévenu du chef de délit de fuite, maintient la condamnation pour violences volontaires aggravées, et renvoie devant une cour d’appel autrement composée pour statuer à nouveau sur la peine.
La solution est logique. Retenir les violences volontaires, c’est admettre un choc intentionnel. Retenir le délit de fuite, c’est présupposer un événement involontaire. Or, on ne peut pas affirmer simultanément que le conducteur a voulu percuter sa victime et qu’il a causé un accident. Les deux qualifications s’excluent par nature.
Une évidence qu'il fallait rappeler
On pourrait s’étonner qu’une telle précision soit nécessaire. Après tout, la distinction entre accident et fait intentionnel est enseignée dès la première année de droit. Et pourtant.
La pratique judiciaire montre que les qualifications pénales s’empilent parfois sans cohérence, au gré des réquisitions. Des poursuites pour délit de fuite exercées à l’encontre du titulaire de la carte grise, alors même qu’aucun élément d’investigation ne permet d’identifier le conducteur au moment de l’accident, sont devenues choses communes.
La Cour de cassation, gardienne de la légalité, rappelle ici qu’on ne condamne pas un prévenu pour délit de fuite par simple opportunité.
Les implications pratiques de cette décision
Pour la défense : un moyen à soulever systématiquement
Cet arrêt est un moyen de droit à exploiter. Chaque fois que le ministère public compilera les chefs de poursuite, la contradiction devra être relevée. Un choc délibéré n’est pas un accident : les deux qualifications ne peuvent coexister.
L’enjeu n’est pas négligeable. Le délit de fuite est puni de trois ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende. Lorsqu’il accompagne des blessures ou un homicide involontaires, il constitue une circonstance aggravante doublant les peines encourues. Faire tomber cette qualification, c’est potentiellement réduire significativement l’exposition pénale du prévenu.
Pour les parquets : plus de rigueur dans les poursuites
Cet arrêt devrait inciter les magistrats du parquet à une plus grande vigilance. L’empressement à multiplier les qualifications — stratégie parfois utilisée pour alourdir artificiellement un dossier — se heurte ici au mur de la cohérence juridique.
Procédure judiciaire pour délit de fuite
L'identification de l'auteur et les premières mesures
Le délit de fuite fait rarement l’objet d’une interpellation de l’auteur en état de flagrance. Ce dernier est souvent identifié a posteriori grâce aux témoignages, à la vidéosurveillance ou à un relevé partiel de la plaque d’immatriculation. L’interpellation peut donc intervenir plusieurs jours après les faits.
Une fois identifié, le conducteur peut être placé en garde à vue pour les besoins de l’enquête. Durant cette mesure, les forces de l’ordre peuvent procéder à des vérifications complémentaires et recueillir ses déclarations.
Le jugement devant le tribunal correctionnel
Le délit de fuite relève de la compétence du tribunal correctionnel. En fonction de la gravité des faits et du casier du conducteur, plusieurs issues sont possibles :
- la comparution immédiate, qui permet un jugement rapide (attention, les mandats de dépôt y sont fréquents) ;
- la convocation par officier de police judiciaire (COPJ), qui laisse plus de temps à la défense pour préparer le dossier ;
- la CRPC (plaider-coupable), où une peine négociée est proposée au prévenu s’il reconnaît les faits.
Dans tous les cas, l’assistance d’un avocat spécialisé est vivement conseillée : il vérifie la régularité de la procédure, soulève d’éventuelles exceptions de nullité et prépare une stratégie adaptée.
Les moyens de défense envisageables
Plusieurs arguments peuvent être invoqués pour contester la qualification de délit de fuite :
- l’absence d’accident : si le choc était volontaire (violences), il ne s’agit pas d’un accident au sens de l’article 434-10 du Code pénal ;
- l’absence de connaissance de l’accident : le conducteur n’a pas perçu le choc (bruit ambiant, conditions de circulation) ;
- l’absence d’intention de fuir : le conducteur s’est arrêté plus loin pour des raisons de sécurité, ou est revenu sur les lieux ;
- les circonstances exceptionnelles : urgence médicale, agression, état de nécessité ;
- les vices de procédure : irrégularités dans le procès-verbal, erreurs d’identification du conducteur ;
- l’absence de preuve de l’identité du conducteur : être propriétaire du véhicule ne suffit pas à établir que l’on conduisait au moment des faits.
Un avocat expert en droit routier saura identifier ces arguments et adapter la stratégie de défense à chaque situation.
Le délit de fuite n’est pas une simple infraction routière : c’est un délit grave aux conséquences multiples — prison, lourdes amendes, perte de points, suspension ou annulation du permis. La jurisprudence récente montre que chaque détail compte : un vice de procédure, une qualification inadaptée ou une circonstance particulière peuvent changer l’issue du dossier.
Dans ce contexte, se défendre seul est risqué. L’accompagnement d’un avocat expert en droit routier est la meilleure garantie pour vérifier la régularité de la procédure, contester les charges si cela est possible et limiter l’impact des sanctions.
Si vous êtes poursuivi pour délit de fuite ou victime d’un tel comportement, n’attendez pas : contactez Maître Antoine Minier, avocat en droit pénal routier à Carpentras et Avignon. Son expérience vous permettra d’aborder sereinement la procédure et de défendre efficacement vos droits.
F.A.Q. Délit de fuite
Le délit de fuite suppose un accident préalable : le conducteur quitte les lieux pour échapper à sa responsabilité. Le refus d’obtempérer intervient lors d’un contrôle routier, même sans accident : le conducteur refuse de s’arrêter malgré les sommations des forces de l’ordre. Les deux infractions peuvent se cumuler.
Oui. L’infraction est constituée dès lors que le conducteur quitte les lieux d’un accident sans s’arrêter, peu importe la nature des dommages (matériels ou corporels). Même un simple accrochage sur un parking peut donner lieu à des poursuites.
Le délit de fuite est puni de 3 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, auxquels s’ajoute un retrait de 6 points. Le juge peut également prononcer une suspension ou une annulation du permis, une confiscation du véhicule et un stage de sensibilisation. En cas de blessures ou de décès, les peines sont aggravées.
Oui, plusieurs moyens de défense existent : absence de connaissance de l’accident, absence d’intention de fuir, vices de procédure, erreur d’identification du conducteur. La jurisprudence de 2025 a également rappelé qu’un choc volontaire (violences) ne peut être qualifié d’accident, excluant ainsi le délit de fuite. Un avocat spécialisé pourra analyser votre dossier et identifier les arguments les plus pertinents.
Si l’auteur reste inconnu, vous pouvez saisir le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) pour obtenir une indemnisation de vos préjudices. Cette démarche doit être effectuée dans un délai de 3 ans à compter de l’accident.
Oui. La jurisprudence est constante : l’obligation de s’arrêter doit être respectée aussitôt et à l’endroit même de l’accident. Revenir sur les lieux quelques minutes ou heures plus tard, ou se présenter ultérieurement à la police, ne fait pas disparaître l’infraction. Toutefois, cette démarche peut être prise en compte par le juge pour moduler la peine.

