Droit pénalJurisprudenceGarde à vue et ivresse : assouplissement des conditions du report de la notification des droits du gardé à vue en 2025

25 septembre 2025

Par un arrêt du 17 septembre 2025, la Cour de cassation précise désormais que le seul taux d’alcool suffit à justifier le report de la notification des droits en garde à vue.

Maître Antoine Minier, avocat en droit pénal routier à Carpentras et Avignon, vous explique cette simplification procédurale et ses implications.

Évolution de la jurisprudence sur la notification des droits en garde à vue pour ivresse (1995-2025)

Principe de notification immédiate des droits du gardé à vue

La garde à vue est une mesure privative de liberté dont le régime est strictement encadré. L’article 63-1 du Code de procédure pénale impose à l’autorité de poursuite qu’elle notifie immédiatement ses droits au gardé à vue. Ces droits comprennent notamment :

  • le droit d’être assisté d’un avocat,
  • le droit de faire prévenir un membre de sa famille,
  • le droit d’être assisté d’un interprète.

Ce principe vise à assurer la pleine effectivité des droits de la défense.

Exceptions admises par la jurisprudence

La chambre criminelle a néanmoins admis, depuis plusieurs années, qu’il soit possible de reporter cette notification. Cela reste possible lorsque l’intéressé se trouve dans l’impossibilité de comprendre l’information délivrée. L’état d’ivresse constitue l’hypothèse la plus fréquemment évoquée.

Dans un arrêt du 17 septembre 2025 (Cass Crim, n°25-80.555), la Cour de cassation confirme cette possibilité. Elle paraît toutefois en alléger les conditions, en acceptant notamment que de simples taux d’alcool suffisent à motiver le différé.

Évolution de la jurisprudence sur la garde à vue et l'état alcoolique

Un premier jalon avait été posé le 3 avril 1995 (Crim., n° 94-81.792). La chambre criminelle avait validé le report de la notification en cas d’ivresse manifeste. Elle considérait qu’une information donnée dans de telles conditions serait dénuée de portée.

Cette solution, empreinte de pragmatisme, a toutefois été précisée le 16 février 2021 (Crim., n° 20-83.233). Dans cette décision, la Cour a censuré une juridiction d’appel qui s’était bornée à constater une alcoolémie élevée pour justifier le différé. Elle a exigé que les juges caractérisent concrètement l’incapacité du gardé à vue, par des éléments de fait précis et circonstanciés.

En d’autres termes, le seul fait de matérialiser l’état alcoolique d’un gardé à vue par un contrôle éthylométrique ne pouvait justifier l’état d’incompréhension de ce dernier. L’OPJ aurait dû justifier, lorsqu’il a rédigé son procès-verbal, l’état particulier dans lequel se trouvait le mis en cause (n’arrivait pas à articuler, n’était pas cohérent dans ses propos).

Arrêt du 17 septembre 2025 : le tournant jurisprudentiel

Dans le cadre de la présente affaire, un conducteur placé en garde à vue pour conduite en état alcoolique n’a été notifié de ses droits qu’après un long délai. Ce délai était motivé par son alcoolémie élevée.

La défense excipait alors l’irrégularité de la mesure de contrainte en s’appuyant notamment sur le raisonnement qui avait été celui de la chambre criminelle le 16 février 2021.

Les juges du quai de l’Horloge rejettent pourtant l’argumentaire. La chambre criminelle estime en effet que les résultats de l’éthylomètre chiffrés suffisaient à eux seuls à établir l’incapacité du gardé à vue à comprendre ses droits. La notification différée était donc parfaitement justifiée.

Un revirement pragmatique de la jurisprudence

L’arrêt du 17 septembre 2025 ne rompt pas nécessairement avec la jurisprudence antérieure. Il confirme en effet l’exigence de notification différée des droits dans l’hypothèse d’un état d’ivresse.

La décision infléchit toutefois la rigueur préalablement imposée par la Cour qui avait exigé en février 2021 une motivation particulièrement circonstanciée. Elle admet désormais que la seule mesure du taux d’alcool puisse suffire.

La chambre criminelle adopterait-elle une approche pragmatique ? Certains lui reprochaient l’absence d’un manuel de conduite. Par cet arrêt de rejet, la Chambre criminelle semble objectiver l’état d’incompréhension du gardé à vue. Au-delà d’un certain seuil d’alcoolémie, le mis en cause ne serait plus en capacité de comprendre. Le contrôle juridictionnel s’en trouve alors allégé.

Une solution qui pourrait être transposée en matière de conduite sous stupéfiant, affaire à suivre attentivement.

Conséquences pratiques de cette évolution

Cette jurisprudence simplifie considérablement le travail des enquêteurs. Il n’est plus nécessaire de décrire minutieusement le comportement du gardé à vue. Les seuls résultats éthylométriques suffisent désormais à justifier le report de notification.

Pour les praticiens, l’enjeu est clair : la contestation des gardes à vue qui ont été différées pour ivresse devient bien plus délicate. Les taux éthylométriques, autrefois jugés insuffisants, suffiront désormais à justifier le différé.

D’autres irrégularités demeurent toutefois exploitables :

F.A.Q. Garde à vue et ivresse

Quels sont les droits d'une personne en garde à vue sous l'emprise de l'alcool ?

Une personne en garde à vue, même en état d’ivresse, conserve l’ensemble de ses droits fondamentaux :

  • droit à l’assistance d’un avocat dès le début de la mesure ;
  • droit de faire prévenir un proche ou son employeur ;
  • droit à un examen médical (particulièrement important en cas d’ivresse) ;
  • droit à un interprète si nécessaire ;
  • droit de garder le silence ou de faire des déclarations ;
  • droit à l’alimentation et aux soins de première nécessité.

Spécificité en cas d’ivresse : La notification de ces droits peut être différée jusqu’au dégrisement si la personne n’est pas en état de les comprendre. C’est ce que vient de confirmer l’arrêt du 17 septembre 2025.

Un avocat peut-il intervenir dès le début de la garde à vue pour ivresse ?

L’avocat peut intervenir dès la notification des droits au gardé à vue. Si cette notification est différée pour cause d’ivresse, l’avocat devra attendre que la personne retrouve sa lucidité.

L’avocat peut alors :

  • vous rencontrer confidentiellement,
  • vous assister lors des auditions,
  • vérifier la légalité de la procédure.

Conseil : N’hésitez jamais à demander un avocat, c’est un droit fondamental.
Maître Antoine Minier intervient 24h/24 pour vous assister en garde à vue.