Permis de conduirePermis de conduire - JurisprudencePermis de conduire - LégislatifContre-expertise toxicologique : quels sont vos droits ?

3 juin 2025

Être contrôlé positif aux stupéfiants peut entraîner des sanctions particulièrement sévères : poursuites pénales, retrait de points, suspension ou annulation du permis, amendes. Dans ce contexte particulièrement répressif, il est essentiel de connaître vos droits, en particulier celui de pouvoir solliciter une contre-expertise toxicologique. Cette contre-expertise permet de contrôler la fiabilité des tests pratiqués par les forces de l’ordre, renforçant ainsi les garanties procédurales offertes au conducteur. Le présent article expose les fondements juridiques de cette prérogative, ses modalités d’exercice, ainsi que les évolutions jurisprudentielles récentes.

👉 En savoir plus sur les sanctions liées à la conduite sous stupéfiants

Contrôle routier avec test salivaire pour dépistage de stupéfiants

Un droit essentiel à l’exercice des droits de la défense

La réglementation pénale organisant la recherche de consommation de produits stupéfiants lors d’un contrôle routier octroie un certain nombre de droits à l’automobiliste, et notamment celui de se réserver la possibilité de demander une contre-expertise. Ce droit, prévu à l’article R.235-11 du Code de la route, peut se révéler déterminant pour la défense des automobilistes.

La positivité d’un prélèvement salivaire expose le conducteur à de lourdes conséquences : perte de points, suspension ou annulation du permis, inscription au casier judiciaire, amendes, voire peine d’emprisonnement. Dans ce contexte, la possibilité de solliciter une contre-expertise reste un des seuls moyens efficaces permettant de remettre en cause les résultats initiaux.

La contre-expertise permet, entre autres, d’exclure tout risque de faux positif particulièrement nombreux lors des prélèvements salivaires. En effet, les modalités des dépistages et prélèvements imposés par l’arrêté du 13 décembre 2016 ne sont pas toujours respectées. Régulièrement, les policiers ou gendarmes procèdent eux-mêmes au prélèvement en introduisant l’écouvillon (coton-tige) dans la bouche du conducteur contrôlé au risque de fausser les résultats de l’analyse toxicologique réalisée par le laboratoire. Un agent des forces de l’ordre qui aurait préalablement manipulé du produit stupéfiant (lors d’un précédent contrôle, par exemple) contaminerait le prélèvement.

Cadre juridique et fonctionnement de la contre-expertise toxicologique

Le dépistage et le prélèvement

Tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur peut faire l’objet d’un contrôle routier et être soumis à un dépistage salivaire. Lorsque le test initial, appelé dépistage, se révèle positif aux stupéfiants (premier écouvillon introduit dans la bouche du conducteur), une présomption de consommation existe et permet aux forces de l’ordre de procéder à un deuxième test, appelé prélèvement (deuxième écouvillon introduit dans la bouche du conducteur). Ce deuxième coton-tige sera scellé et envoyé dans un laboratoire d’analyse toxicologique à la demande des forces de l’ordre pour analyse.

Le droit à contre-expertise

Conformément à l’article R.235-11 du Code de la route, à l’issue du prélèvement salivaire (deuxième coton-tige en bouche), l’agent verbalisateur doit interroger le conducteur. Il lui demande s’il souhaite se réserver le droit de demander une expertise complémentaire (contre-expertise), lorsque les résultats de la première analyse lui seront notifiés.
Si ce dernier exprime sa volonté d’exercer ce droit, un prélèvement sanguin doit être effectué dans les plus brefs délais par un professionnel de santé habilité. Le conducteur est emmené à l’hôpital le plus proche pour la prise de sang.
Deux échantillons de sang sont alors prélevés : le premier sera transmis au laboratoire pour expertise, le deuxième sera conservé par les forces de l’ordre pour contre-expertise.

Ce que prévoit l’article R.235-6

Cet article R.235-6 du Code la route précise que le droit à contre-expertise doit être notifié à l’issue du prélèvement salivaire. Le moment de cette notification est essentiel, car il peut conditionner la régularité de l’ensemble de la procédure.
Cette notification permet au conducteur de décider en toute connaissance de cause s’il sera en mesure de contester la consommation que l’on pourrait lui opposer.
Elle intervient lorsque les dépistages et prélèvements salivaires ont été réalisés, mais avant que les résultats de l’analyse ne lui soient notifiés

L’apport de la décision du 22 octobre 2024 (pourvoi n° 24-80.520)

La position de la Cour de cassation

Dans cette décision (pourvoi n° 24-80.520 du 24 octobre 2024), la Cour de cassation valide une notification anticipée du droit à contre-expertise. En effet, même lorsque l’information est communiquée avant le prélèvement salivaire, les juges estiment que cela ne constitue pas un vice de procédure qui causerait un grief au prévenu. En d’autres termes, aucun préjudice ne résulterait de cette irrégularité procédurale.

« […] En ne se réservant pas le droit de demander un examen ou une expertise avant le prélèvement salivaire, le prévenu n’a subi aucun grief […] »

 

​​La chambre criminelle valide donc la possibilité de renoncer à un des droits de la défense avant même d’avoir pu l’exercer.

Finalement, cette décision s’inscrit dans une certaine lignée jurisprudentielle qui vise toujours à limiter les droits des automobilistes (Pourvoi n° 24-82.925, Cour de cassation, chambre criminelle, 12 mars 2025, publié au Bulletin) :

« Les policiers et les gendarmes, lorsqu’ils recherchent si un conducteur a fait usage de stupéfiants, procèdent à un dépistage dont les modalités sont fixées par arrêté. Il n’est pas nécessaire que la procédure justifie du respect de ces prescriptions réglementaires, par exemple de la validité du test. En effet, un dépistage positif présume uniquement d’un usage de stupéfiants. Pour caractériser l’infraction, il faut effectuer des vérifications, consistant en des analyses ou examens médicaux, cliniques et biologiques. »

Portée de cette jurisprudence

Le droit à contre-expertise, règlementé par l’article R.235-11 du Code de la route, demeure un outil de défense précieux pour tout automobiliste contrôlé positif aux stupéfiants. La décision de la Cour de cassation du 22 octobre 2024 (pourvoi n° 24-80.520) vient toutefois restreindre les conséquences engendrées par l’atteinte à cette faculté.

Comment réagir lors d’un contrôle positif aux stupéfiants ?

Conseils pratiques

  • Exigez une information claire sur vos droits, notamment celui de solliciter une contre-expertise. N’hésitez pas à poser des questions aux forces de l’ordre pour vous assurer de comprendre la procédure.
  • Si vous souhaitez exercer ce droit, faites-le savoir immédiatement. Toute décision tardive pourrait rendre le recours au prélèvement sanguin impossible.
  • Ne signez pas les procès-verbaux qui vous sont soumis sans les avoir lus préalablement et les avoir compris (ne pas signer un procès-verbal est également un droit).

 

Faire appel à un avocat

Un avocat en droit routier peut vérifier la conformité de la procédure, identifier les irrégularités et engager des recours appropriés. Son intervention est d’autant plus utile en cas de convocation devant le tribunal. Il pourra aussi vous orienter vers des médecins ou laboratoires agréés pour une contre-analyse privée, ou pour obtenir des attestations complémentaires sur votre consommation réelle.

 

Le droit à contre-expertise toxicologique constitue une garantie essentielle des droits de la défense dans le domaine du droit pénal routier. Cette prérogative particulièrement encadrée reste cependant peu usitée par les automobilistes. Ils sont souvent incités par les forces de l’ordre à ne pas en faire usage aux motifs qu’elle engendrerait un coût supplémentaire ou qu’elle nécessiterait un placement en garde à vue, ce qui est évidemment erroné.

Vous faites l’objet d’une poursuite pour conduite sous stupéfiants ? Vous avez besoin d’être assisté dans le cadre d’une demande de contre-expertise ?

Contactez Maître Antoine MINIER, avocat en droit routier, implanté à Carpentras et Avignon, intervenant sur tout le ressort de la Cour d’appel de Nîmes.

F.A.Q Contre-expertise toxicologique

Qu’est-ce qu’une contre-expertise toxicologique ?

Il s’agit d’une seconde analyse, généralement sanguine, demandée par le conducteur après notification des résultats du premier prélèvement salivaire (ou du premier prélèvement sanguin) positif aux stupéfiants. Elle permet d’obtenir une deuxième analyse de l’échantillon prélevé.

Quelle est la procédure exacte pour exercer mon droit à contre-expertise ?

Après avoir prélevé votre salive à l’aide d’un écouvillon, l’agent de police ou de gendarmerie vous notifiera votre droit de vous réserver la  possibilité de solliciter une contre-expertise. Vous devez alors manifester votre souhait de l’exercer. Ainsi, les forces de l’ordre seront tenues d’organiser un prélèvement sanguin dans les plus brefs délais.

Puis-je demander une contre-expertise même si je n’ai rien consommé ?

Oui. La contre-expertise est un droit, même si vous êtes convaincu d’être négatif. Elle permet d’exclure une erreur, un faux positif ou une mauvaise manipulation du test.

Dans quels cas une analyse sanguine est-elle prévue par la loi ?
  • Si vous demandez une contre-expertise.
  • Si le test salivaire ne peut pas être effectué.
  • Si les forces de l’ordre optent directement pour un test sanguin pour des raisons médicales ou techniques.

Attention, vous ne pouvez exiger une analyse sanguine, le choix du mode de prélèvement revient exclusivement aux forces de l’ordre.

Est-ce que je peux contester un test salivaire sans demander une contre-expertise ?

C’est difficile. En l’absence de contre-expertise, il sera difficile de remettre en cause les résultats du prélèvement initial. Ainsi, seul un avocat pourra tenter de soulever un vice de procédure à l’audience.

Le prélèvement sanguin est-il plus fiable que le dépistage salivaire ?

Oui. Le prélèvement sanguin permet de mesurer précisément la concentration de substances dans l’organisme, contrairement au dépistage salivaire qui indique seulement une présence.

Que dit la Cour de cassation sur la contre-expertise ?

Dans son arrêt du 22 octobre 2024, la Cour de cassation a exclu toute irrégularité procédurale lorsque  la notification du droit à contre-expertise était présentée à l’automobiliste mis en cause avant que soit réalisé un prélèvement salivaire, considérant notamment qu’aucun grief n’en résultait.