Chaque année en France, plus de 3 000 personnes perdent la vie sur les routes. Derrière ces chiffres, des familles endeuillées par des accidents causés par des conducteurs en état d’ébriété, sous stupéfiants ou au comportement délibérément dangereux. Face à cette réalité dramatique, le législateur a franchi un cap décisif en créant un délit autonome d’homicide routier, entré en vigueur le 11 juillet 2025.
Maître Antoine Minier, avocat au barreau de Carpentras et expert en droit routier et en droit pénal, vous propose un décryptage complet de cette nouvelle infraction qui marque un tournant dans la répression des comportements mortels au volant.
- Contexte et adoption de la loi
- Pourquoi créer un délit spécifique d’homicide routier ?
- Définition juridique de l’homicide routier et distinction avec l’homicide involontaire
- Quelles circonstances aggravantes définissent l’homicide routier ?
- Peines et sanctions prévues pour l’homicide routier
- L’utilité contestée du délit d’homicide routier : une réforme davantage symbolique que juridique
- F.A.Q. Homicide routier

Contexte et adoption de la loi
Relancée à la suite d’affaires médiatisées, notamment celle de Pierre Palmade en 2023, la proposition de loi sur l’homicide routier a été débattue pendant plusieurs mois avant d’être définitivement adoptée par le Parlement le 1er juillet 2025. Elle vise à encadrer plus fermement les responsabilités pénales des conducteurs auteurs d’accidents mortels dans des circonstances aggravantes.
La loi a été promulguée le 9 juillet 2025 et publiée au Journal officiel du 10 juillet 2025 sous la référence Loi n° 2025-689 du 9 juillet 2025. Elle est entrée en vigueur le 11 juillet 2025, conformément à la règle générale de l’article 1 du Code civil.
Cette promulgation officialise l’entrée dans le Code pénal d’une nouvelle infraction autonome : l’homicide routier.
Pourquoi créer un délit spécifique d’homicide routier ?
Jusqu’ici, les décès sur la route causés par un conducteur en infraction relevaient de la qualification d’« homicide involontaire ». Nombre d’acteurs la jugeaient inadéquate face à des comportements particulièrement graves – excès de vitesse, alcool ou stupéfiants, délit de fuite, etc. La création d’un délit spécifique d’homicide routier poursuit donc trois objectifs :
- Affirmer symboliquement que la conduite mortelle fautive relève d’une infraction autonome, et non d’un simple accident ;
- Reconnaître pleinement la gravité des faits aux yeux des familles de victimes et de l’opinion publique ;
- Renforcer l’action civile, en améliorant l’information et la visibilité des parties civiles tout au long de la procédure.
Définition juridique de l’homicide routier et distinction avec l’homicide involontaire
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2025-689 du 9 juillet 2025, les dispositions relatives à l’homicide routier sont codifiées dans le chapitre Ier ter du Code pénal, intitulé « Des homicides et blessures routiers ». Cette nouvelle structure comprend notamment les articles 221-18 à 221-21 du Code pénal.
- L’article 221-18 crée un délit autonome d’homicide routier, distinct de l’homicide involontaire (article 221-6), puni de 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
- Il prévoit une aggravation des peines à 10 ans et 150 000 euros si deux circonstances aggravantes ou plus sont constatées.
Quelles circonstances aggravantes définissent l’homicide routier ?
Pour que l’infraction d’homicide routier soit constituée, l’article 221-18 du Code pénal exige qu’elle ait été commise avec l’une des 10 circonstances aggravantes suivantes :
- Violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité ;
- Conduite en état d’ivresse manifeste, ou refus de se soumettre aux vérifications ;
- Usage de stupéfiants ou refus de contrôle ;
- Consommation volontaire et excessive de substances psychoactives interdites ;
- Conduite sans permis valide ou avec permis annulé, suspendu ou retenu ;
- Excès de vitesse égal ou supérieur à 30 km/h ;
- Délit de fuite sans porter secours ;
- Usage d’un téléphone tenu en main ou dispositif audio ;
- Refus d’obtempérer à une sommation d’arrêt d’un agent ;
- Participation à une compétition motorisée non autorisée (article L. 236-1 du Code de la route).
Si deux de ces circonstances ou plus sont réunies, les peines sont automatiquement portées à leur maximum.
Peines et sanctions prévues pour l’homicide routier
Les sanctions prévues pour l’homicide routier sont établies dans l’article 221-18 du Code pénal :
- Homicide routier avec une circonstance aggravante :
- 7 ans d’emprisonnement
- 100 000 euros d’amende
- Homicide routier avec deux circonstances aggravantes ou plus :
- 10 ans d’emprisonnement
- 150 000 euros d’amende
L’article 221-21 du Code pénal prévoit également des peines complémentaires :
- Suspension ou annulation du permis de conduire (jusqu’à 10 ans) ;
- Confiscation du véhicule ou de plusieurs véhicules ;
- Interdiction de conduire certains véhicules ou de solliciter un nouveau permis ;
- Obligation d’équipement antidémarrage par éthylotest ;
- Interdiction de détenir des armes ou de conduire un véhicule non équipé.
En cas de récidive ou de circonstances particulières, certaines de ces peines demeurent automatiques.
L’utilité contestée du délit d’homicide routier : une réforme davantage symbolique que juridique
Bien que la création du délit d’homicide routier ait été accueillie favorablement par les associations de victimes, son intérêt pratique demeure largement contesté. Pour de nombreux universitaires et praticiens, cette réforme n’apporte aucune avancée substantielle : les comportements visés — excès de vitesse, alcool, stupéfiants, délit de fuite — étaient déjà réprimés comme circonstances aggravantes de l’homicide involontaire.
Son véritable apport réside essentiellement dans la reconnaissance législative d’une infraction autonome ; l’homicide routier n’est plus une simple aggravation de l’homicide involontaire, mais un délit à part entière. Pour autant, cette nouveauté apparaît surtout symbolique : elle répond davantage à la pression de l’opinion publique qu’à une nécessité juridique et ne devrait guère modifier, en pratique, le traitement de ces affaires par les juridictions correctionnelles.
F.A.Q. Homicide routier
C’est une infraction pénale créée par la loi du 9 juillet 2025, punissant les conducteurs responsables d’un accident mortel commis dans des circonstances aggravantes (alcool, stupéfiants, excès de vitesse, etc.).
L’homicide involontaire concerne une faute simple sans circonstance aggravante. L’homicide routier, lui, suppose une circonstance aggravante précise (au moins une sur une liste de dix).
La loi a été promulguée le 9 juillet 2025 et est entrée en vigueur le 11 juillet 2025, après sa publication au Journal officiel.
- Avec une circonstance aggravante : 7 ans de prison et 100 000 € d’amende.
- Avec deux circonstances ou plus : 10 ans de prison et 150 000 € d’amende.
Des peines complémentaires peuvent aussi être prononcées (retrait de permis, confiscation du véhicule…).
Il y en a 10, dont : alcoolémie, usage de stupéfiants, excès de vitesse de +30 km/h, conduite sans permis, délit de fuite, refus d’obtempérer, usage du téléphone au volant, etc.
Non, comme toute loi pénale plus sévère, elle ne s’applique qu’aux faits commis à compter de son entrée en vigueur, soit à partir du 11 juillet 2025.
Elle répond à une forte attente sociétale : reconnaître la gravité de certains comportements au volant et offrir aux victimes une réponse pénale plus lisible et symboliquement forte.